10/12/2023

Angry Young Men

Revenons sur certaines figures de la new wave.

« Angry young men » désignait à l’origine une nouvelle génération de dramaturges et de romanciers britanniques dans les années 50, caractérisés notamment par un réalisme désabusé. Puis le terme fut rattaché au courant cinématographique de la « british new wave », avec ses héros de la classe ouvrière et ses thèmes de gauche.


L'étiquette ressurgit fin des années 70 lors de la new wave, cette fois musicale, pour désigner Elvis Costello, Joe Jackson et Graham Parker.




Avec des paroles acerbes et sardoniques, et une verbosité qui semblait être le fruit d’une arrogance présomptueuse.
 
D'autres de l'époque auraient pu également gagner le qualificatif, comme par exemple Paul Weller.

 
Rapidement, tous s'éloignèrent de la power pop vers différents styles musicaux, certains plus vraiment « new wave » comme le revival swing ou la country de Nashville.
 
A noter qu'en 1982-83 à l'ère de new pop, moins jeunes et moins en colère, ils sortirent leurs plus gros tubes.
 
 
 
 
 
 
 
 
Le jeune homme en colère, en tant qu'archétype de fictions d'après-guerre, servit d'antidote à la masculinité traditionnelle dans le littérature. Il substituait aux qualités masculines (force, pouvoir ou fortune), des sentiments féminins, comme la colère ou la frustration d'être mis à l'écart par les règles de la société.
 
Initialement, il était un anti-héro ouvrier qui remettaient en cause les ordres établis, mais sur une fracture générationnelle bien plus qu'une lutte de classe. Avec la contre-culture, il devint agent de protestation politique qui exprime une rage légitime. Mais depuis le contrecoup, il est présenté, au mieux comme une victime psychologiquement endommagé, au pire comme un dangereux sociopathe.

02/09/2023

Films de l'après-punk

Parlons des films musicaux de l'après-punk.


Avec tous les revivalismes et l'omniprésence des décennies passés, il serait vain de faire la liste des films contemporains ayant pour cadre les musiques de la fin des 70s ou des 80s.


Exit également les biopics, comme par exemple :
 
Évoquons plutôt des films vraiment d'époque :
  • Jubilee (Derek Jarman, 1978) avec Jordan, Toyah Willcox, Adam Ant et une participation des Banshees et des Slits
  • Breaking Glass (Brian Gibson, 1980) avec Hazel O'Connor
  • La Brune et Moi (Philippe Puicouyoul, 1981) avec Édith Nylon, Marquis de Sade et d'autres jeunes gens modernes.
  • Downtown 81 (Edo Bertoglio, 2001) avec Jean-Michel Basquiat rencontrant, entre autres, Tuxedomoon, DNA, Kid Creole, James Chance et Debbie Harry en fée marraine.
 
  • Ladies and Gentlemen, The Fabulous Stains (Lou Adler, 1982) avec Steve Jones et Paul Cook période The Professionals, et Paul Simonon.
  • Starstruck (Gillian Armstrong, 1982)

Finissons par le plus indispensable de tous : Urgh! A Music War (Derek Burbidge, 1981) avec des captations sur scène d'un bonne trentaine de groupes.

25/08/2023

Vétérans pop

A-t-on des nouvelles des stars de la new pop et de la synth pop ?

Malgré un interminable retour des années 80, qu'elle soient à guitares ou à claviers.

Voici quelques productions récentes de popsters du début de la décennie concernée, pas encore à la retraite :


 

15/08/2023

Hyperpop

Reformulons la recherche d'un courant musical contemporain présentant une démarche analogue à la new pop. Partir du poptimisme ne fut précédemment pas très convainquant.

Comme l'avait écrit Simon Reynolds, le mouvement new pop impliquait une tentative conscience et courangeuse de combler la séparation entre la pop « progressive » et la pop de masse / des charts, un fossé entre les classes moyenne et ouvrière. Pensons alors à ces moments où l'underground rejoint l'overground, où la musique la plus intéressante mêle musicalité et une attaque sur l'auditeur.

Viens alors l'hyperpop, un microgenre qui émergé au milieu des années 2010, mettant en scène une pop maximaliste, énergique et post-ironique. Des éléments d'EDM, de trance, d'eurodance, de nightcore et même d'emo rock, filtrés au travers du prisme de la trap, de la bedroom pop et de la vaporwave, pour créer un son unique distinct du mainstream. Et qui ne repose pas sur un valeur nostalgique.

La tendance caractérise la manière post-géographique dont les genres se forment à l'ère d'Internet et des médias sociaux : sans frontières physiques ou sonores, hypertrophiée, saturée d'information et à l'esthétique mondialisée.

A l'origine, il y avait le label anglais PC Music fondé en 2013, avec des musiciens unis par une attitude qui consiste à ne pas différencier musique savante et musique populaire.

Simon Reynolds, dans Like a Glucose Overdose (2021), émet l’hypothèse que le véritable successeur de la stratégie oblique d'infiltration par simulation de Scritti Politti, pourrait bien être PC Music et l'hyperpop qui a suivi. Renonçant aux stratégies underground conventionnelles comme le bruit et la dissonance, l'hyperpop reconnaît que la pure beauté mélodique de la musique commerciale peut contenir son propre type d'excès et d'extrémisme.

A.G. Cook cite même directement Cupid & Psyche 85 pour sa décision consciente de prendre la musique pop et de la rendre aussi brillante et détaillée que possible.

A l'instar de la new pop en son temps, avec les synthétiseurs et les boites-à-rythmes, l'hyperpop embrasse les possibilités offertes par la technologie et la démocratisation des logiciels de création musicale, en poussant les curseurs à fond.

Artificielle et trafiquée, cette « pop du futur » innove sur le plan musical mais aussi sur celui de l'identité. Cela évidemment renvoie aux gender benders du début des années 80 (Boy George, Marilyn, Annie Lennox, Pete Burns), ainsi qu'à Trevor Horn, ses thèmes provocateurs et l'esthétisme camp de Frankie Goes to Hollywood et Art of Noise. 

Rapidement « hyperpop » est devenu une sorte de terme générique pour désigner la pop électronique rapide et expérimentale. Puis le descripteur a évolué pour devenir un terme pour un macro-genre si amorphe qu'il est parfois dénué de sens.

Peut-être ne désigne-t-il plus simplement que la playlist originelle Spotify qui a lancé la mode.

Sources / pour aller plus loin

Mic The SnareIs Hyperpop The Future of Pop? (2020)
Kieran Press-Reynolds, Gorgeous Glitches and Nightcored Melodies (2020)
Sean's Little Musings, Hyperpop: the future of pop music (2020)
Philippe Birgy, From Post-Punk to PC Music: Subcultural Discourses and Practices in Two Underground Scenes (2021)
Kieran Press-Reynolds, The sound of hyperpop - the art & music (2021)
Kieran Press-Reynolds, Can a streaming platform create a niche music genre? (2022)
James Mellen, Hyperpop: a genre-bending future (2022)
Chris Inglis, Hyperpop: A Post-Ironic Glimpse into the Future (2022)

Julie Ackermann, 2020 a une musique à son image, l'hyperpop (2020)
Julie Ackermann, Hyperpop, maxicringe (2022)

Track, A.G. Cook, fondateur de PC Music et architecte de la pop de demain (2021)

Mise à jour 26/11/2023

06/05/2023

Thésaurus photocopié

Un nouveau caillou a été ajouté au tumulus de la littérature francophone sur l'après-punk.

Présenté par son éditeur comme LE journaliste spécialiste du sujet, Jean-Daniel Beauvallet a sorti en novembre dernier,  Les Années New Wave 1978-1983. Une morne et dispensable discothèque idéale, entrecoupée d'entretiens, d'articles, de photos et une police à la Peter Saville. Des recyclages et de la nostalgie en noir et blanc.

L'édito nous apprend que :
"La new wave est nouvelle et elle est vague : impossible de nommer sans se faire ridicule tous ses sous mouvements, ses excroissances. Mais elle tourne, collectivement, le dos au vieux monde (...)"

Cf. la note sur les miscellanées confuses sous le vocable « new wave ».

"La new wave accueille à bras ouverts ces références nouvelles, visuelles, soniques et conceptuelles. On raconte ainsi n'importe quoi, on s'improvise spécialiste de Puvis de Chavannes ou de Fantin-Latour au rythme de pochettes cryptiques de New Order ou Bauhaus. On est des petits cons, mais en bien."

Interviewé, l'ex-rédacteur en chef des Inrocks confesse :

"Le seul groupe que je me passe encore vraiment de cette période, finalement, c’est Joy Division. C’est même un sujet obsessionnel." 


Une fois de plus, les mancuniens constituent le mètre étalon de la vague.

On en est encore là après Rip It Up and Start Again (2005), Babylon’s Burning (2007), Totally Wired (2009), Are We Not New Wave? (2011) ou même The Encyclopedia of New Wave (2012) ? Après Touching From a Distance (1995), Ghosts of My Life (2014) et This Searing Light, the Sun and Everything Else (2020) sur le groupe de Ian Curtis ?
"Je m’y suis mis quand j’ai eu du désœuvrement. Je n’ai pas l’habitude de lire des livres sur la musique, je ne voyais donc pas de raison d’en écrire. (...)  J’ai fait des livres qui ne nécessitaient pas de recherche.  (...)  Et pour ce livre sur la new wave, je me suis juste replongé dans mes playlists."
Pour François Moreau qui recueille ces propos, Jean-Daniel n’est pas l’anti-Simon Reynolds, mais presque.
 
 
Que dire de plus, si ce n'est que le hors-série n°35 de Rock&Folk (2017) apparaît alors comme la publication, sortie dans la langue de Nicola Sirkis, la plus qualitative et professionnelle sur cette thématique.

01/04/2023

Vétérans postpunks

Que sont devenu les survivants du postpunk ?

Après plus ou moins trois revivals depuis 25 ans : un salvateur qui a conduit à la décharge indie, un réverbé orienté darkwave et un nouveau plus qu'enthousiasmant.

Voici quelques actes de vétérans maintenant soixantenaires datant des dernières années :

 

Ici il est toujours question de musique, de propositions, loin du #postpunk et de son carcan terne et caricatural.

Nombreux nous ont quitté récemment.

Et quid de ce documentaire tant attendu ?

01/02/2023

NWOBHM

Et la new wave du heavy metal dans tout ça ?
 

En pleine période post-punk, la presse musicale britannique était foncièrement anti-rockiste, refusant la suprématie du rock sur toutes autres formes de musique populaire et sa croyance dans la dépendance aux valeurs d'authenticité et de sincérité.

Le Melody Maker et le NME dédaignaient le heavy metal, critiqué pour son abâtardissement du blues (son manque de relation avec la musique noire contemporaine), pour son sexisme, sa misogynie ou encore son imagerie militaire. 

Par contre Sounds soutenait sa forme résurgente, alors surnommée « new wave of the british heavy metal » en mai 1979.
 
 
En quelques années, le genre fut réhabilité pour toute une jeunesse à la recherche d'un palimpseste rock possédant l'agressivité et la posture underground du punk.











Dans This Ain't the Summer of Love: Conflict and Crossover in Heavy Metal and Punk (2009), Steve Waksman souligne de nombreuses convergences entre punk et metal : une naissance post-hippy et un rejet commun de la gentrification du rock.

En effet, les nouvelles vagues de la beat music et du heavy metal furent toutes deux des renouveaux progressistes impulsés par un retour réactionnaire vers certains fondamentaux disparus.

25/01/2023

France de l'après-punk

Petit aperçu de l'après-punk français.


Michel Esteban de chez ZE Records, fait une confession dans le documentaire sur les « jeunes gens mödernes » (Jean-François Sanz, 2015) :
Je pense que les groupes français ne sont pas des gros bosseurs. Ils ne sont pas des gros songwriters. Donc ce n'est pas essentiel pour eux de faire de la musique.
Malgré cela, voici une petite sélection partiale d'archives filmées sur scène de groupe new wave et/ou postpunk, en faisant un pas de côté avec les référentiels « frenchy but chic » ou « french cold wave ».

Donc en vrac des témoignages urbains, du franchouillard, du métissage, du arty et du bordel.