10/12/2019

Thésaurus vague

Note sur les redéfinitions tardives et confuses du vocable « new wave ».


Pour les définitions historiques, il y a Wavelength.fr et le reste de ce blog.  Jetons plutôt ici un œil à la littérature récente et francophone sur le sujet.

Frédéric Thébault évoquait déjà, dans Génération Extrême (2005), le mélange des étiquettes et l'utilisation du terme uniquement pour désigner le côté abordable de cette musique, les tubes calibrés FM, la musique de danse qui s'est largement diffusée dans les années 80.

En effet, depuis le milieu des années 90, de nombreuses compilations débordant de hits britanniques de la décennie précédente furent publiées avec l'étiquette comme slogan.


Dans son Histoire de la New Wave (2008), Benjamin Berton fit remarquer que la persistance du terme s'est fait hors des Iles Britanniques et que son utilisation excessive en France pour désigner un peu tout et n'importe quoi lui fit perdre de son sens et qu'il ne correspond à plus rien de tangible. Ainsi dans l'esprit des commentateurs, la new wave est devenu un genre bâtard, une notion vague qui recouvre une réalité hétérogène, commerciale et sans consistance.


« Est-ce un style musical ? Un mouvement ? Une période ? Une mode ? Une esthétique ? (…) Les contours de ce courant musical restent parmi les plus flous de l'histoire du rock. »

Sylvain Fanet se demande également, dans Standing On A Beach (2019), si la new wave n'a peut être pas été une chimère, une agglomération absurde de trop d'artistes ou de courants qui n'avaient en commun que de se produire à la même époque.


Guillaume Gilles, qui ne trouvant pour sa recherche sur l'Esthétique New Wave (2006) ni période clairement balisée ni style musical uniformisé, fut amené à avancer le concept d'esthétisme du reste. Ainsi, pour lui, la new wave serait caractérisée par l'impossibilité d'y coller une des étiquettes existantes de la pop music  : hard rock, prog rock, folk, blues, punk.

Comme le rappela Christophe Bourseiller (Génération chaos, 2008), la new wave a largement contourné la France où la réception du mouvement fut dominé par la mondanité. Ce public de branchés resta assez hermétique à cette pop énervée, bavarde et anti-glamour.


Une émission comme Chorus documenta pourtant extraordinairement de 1978 à 1981 la réalité de la vague originelle : Stiff Records, l'humour décalé, l'excentricité suburbaine, les récréations camp, etc.


Son amputation historique et l'utilisation rétrospective d'un seul et unique terme pour tous les sous-genres apparus sur une demi-douzaine d'années masquent les dialectiques les expliquant : modernisme / postmodernisme, réalisme social / expérimentalisme formel, musiques noires / musiques blanches ou encore américanisme / européanisme. Et le public, dont ces auteurs sont issus, resta constitué en différentes niches d'écoute avec chacune ses propres définitions ; comme le mouvement gothique, quasi hégémonique dans la production de récit en France et qui n'autorise qu'une dichotomie entre ce qui fut populaire (mainstream) et ce qui resta méconnu (underground).

Sylvain Fanet résume assez bien, sur l'antenne de la RTS, cette simplification en deux pôles opposés : d'un côté un courant très froid, la cold wave, le rock gothique, la musique industrielle et de l'autre un courant plus léger, la pop synthétique ou très électronique.

Plus récemment, l'énorme engouement international pour la synthwave fut souvent accompagné d'un #newwave alors que son cadre esthétique et révérenciel cible plutôt la pop culture américaine de 1984 à 1991, faite de néons, lasers, centres commerciaux et voitures. Un exemple de marqueur de ce glissement sémantique fut visible récemment lors de la conférence La New Wave en Europe, Naissance et Influences (2017) par Frédéric Sérendip et Eva Peel où il fut exclusivement question du continuum coldwave-synthpop-synthwave afin d'introduire un DJ set électronique.


23/05/2021: addendum sur le YouTube francophone

Les récits confus fleurissent aussi en vidéo. Pour Vague Noire (La New Wave, Kevin Letalleur et Nina Ashwood, 2016), la new wave ne désigne pas, n'a jamais désigné et ne désignera jamais un genre musicale mais une époque qui s'étend grosso modo de 1978 à 1986 (...) c'est tout simplement l'après-punk.

Pour New World Wave (La New Wave en France, 2020) c'est un mouvement musicale majoritairement électronique et à visée expérimentale. (...) A rapprocher de la Nouvelle Vague, littéralement (...) Dans les deux cas, réalisateurs et musiciens n'avaient pas les qualifications pour exercer le métier qu'ils faisaient.

Mise à jour 22/12/2021

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