14/03/2015

Postrock

post (-punk, -rock) préf. Désigne des groupes pour qui c'était mieux après.


Cette définition est issue du Dictionnaire de la mauvaise foi musicale de Josselin Bordat et Basile Farkas. Blague à part, l'idée est assez juste.

L'utilisation de ce préfixe dans le cadre du postpunk et du postrock témoigne indiscutablement de la nécessité d'un dépassement respectif du punk et du rock. Les « post » peuvent être alors compris comme une reformulation critique et expérimentale de ces courants devenus conservateurs.

A l'aube des 90's, une poignée de groupes anglais motivés par le développement des musiques électroniques telles que la techno et le hip hop, par l'improvisation et l'avant-garde, s'aventurèrent dans des territoires encore innommés. En 1994, Simon Reynolds proposa alors une formule plus concise, « postrock ». Le terme en lui-même supposant l'emploi d'une instrumentation - guitare/basse/batterie avec des machines, sampleur et séquenceur - à des fins non rock.









L'un des aspects liant entre eux ces formations était une approche conceptuelle de la musique ; une volonté de faire exploser les contours stylistiques préétablis. Des groupes indie qui essayèrent de pas être des groupes indie, et qui échouèrent dans le processus sur quelque chose hors du rock. 

Cette première vague postrock, prise en sandwich entre le grunge et la britpop, fut trop vite oubliée et sera connue sous le nom de « Lost Generation ». 
 
Des collectifs nord-américains vinrent alors définir davantage une identité et une véritable scène internationale « post-rock ». Pour Jack Chuter (Storm Static Sleep: A Pathway Through Post-Rock, 2015), il s'agit alors d'une musique largement instrumentale basée sur de larges espaces, entrecoupées de jazz virtuose. Paradoxalement, l'énergie du rock est aussi un composant essentiel. Peut-être parce que les auditeurs comprennent plus clairement le terme rock que post.
 

 
Ponctuellement, le postrock de
1993-94 (sinon le concept, du moins ses techniques et son intention) revient chez ceux qui abandonnent partiellement ou totalement la performance live comme modèle d'enregistrement : la volonté d’une musique irréaliste et anti-naturaliste.


Grâce à l'échantillonnage et au travail de studio, le postrock apprit des autres genres comment manipuler l'arrangement de textures et d'espace ; à l'instar du postpunk en son temps. Plus d'une décennie après, Reynolds conclut que le rock britannique ouvre, à intervalles réguliers, de nouvelles zones de possibilités en flirtant avec l'avant-garde noire américaine, en en adoptant les dernières avancées en matière de rythme, de production, et innovations dans l'expression et les ambiance : la scène de Canterbury avec le jazz et le rhythm'n'blues, le postpunk avec le funk, le disco et le dub, le postrock avec le hip hop, la techno et la jungle.

Sans de tels développements modernistes, le rock ne fait que succomber à la relation narcissique et autodestructrice qu'il entretient avec son histoire. Croulant sous le poids du passé, il devient alors un « art classique », un « trésor culturel » qui finit dans des rétrospectives et des musées, dans la nostalgie, le revivalisme, le pastiche et diverses recombinaisons postmodernes.

Sources / pour approfondir

Simon Reynolds, Postrock (1994) présenté et commenté dans Bring the Noise (2007)
Keith Henderson, What Exactly Comes After Post-Rock? (2001)
Jeanne Leech, Fearless: The Making Of Post-Rock (2017)
 
Mise à jour 21/12/2023,
suite à la sortie de la compilation In The Light Of Time: UK Post Rock And Leftfield Pop 1992-1998 (2023)