02/10/2022

Anti glamour

Suite de la réflexion sur le réalisme social de la new wave.


Pour Simon Reynolds, la new wave semble être le véritable backlash anti-glam : le règne du type ou de la nana ordinaire, dans des vêtements se moquant de l'idée de style ou d’élégance, qu'ils soient débraillés ou parodiant le showbiz. Ceux qui n'auraient jamais dû avoir la moindre chance d’être dans la musique pop et qui finalement eu la chance d’y être. 



Et niveau paroles : une emphase continue sur le banal et le quotidien, le métro-boulot-dodo, la banlieue, ...




Le critique conclut que c'est ça qui est bon dans la new wave. Les prolos et les mal-fichus ont leur moment.

Lorsque la bulle de la fantaisie éclate, les commentaires parlèrent également d'aliénation et de désespoir. Car rien de nouveau ne se passe jamais pour les quidams et les losers.


De l'autre côté de l'Atlantique, la routine banlieusarde est une poursuite sans fin du rêve américain, qui conduit à la dépersonnalisation et à la folie. 



La performance des attentes sociales devient trop contrôlée et trop disciplinée pour paraître naturelle (cf. Theo Cateforis) jusqu'à la déshumanisation.


Dans les années 80, le terne, le vulgaire et le pathétique n'eurent plus leur place. Les ringards et les binocards non plus.

16/09/2022

Corrugaphone

What do you call that noise that you put on?


Le tuyau harmonique, appelé également corrugaphone, whirly tube ou bloogle resonator en anglais, est un instrument de musique qui se compose d’un tube ondulé en PVC. Le son est créé par l’air se déplaçant à travers le tube lorsqu'on le fait tournoyer. Sa fréquence augmentant avec la vitesse du mouvement.


Depuis les années 60, l'instrument fut utilisé pour sa texture venteuse et ses harmonies tremblotantes, comme effet théâtral ou expérimentation contemporaine.

Relégué au statut de jouet pour l'éveil musical, il devint dans l'après-punk une source ponctuelle d'arrangements ambiant.




Ici manipulé pour ressembler à un souffle mécanique :


Depuis, les gémissements du tuyau furent audibles, toujours avec parcimonie, de Paul Simon à Clan of Xymox en passant par Placebo.

01/09/2022

Noo Wave

Pour ce jour de rentrée soclaire, voici revenons sur la réaction de la vieille vague face à la nouvelle.


Après le disco, mais avant MTV, l’industrie commença envisager que la new wave pourrait être le futur du rock sur lequel il faudrait investir. Entre la pop nerveuse et les bizarreries plastiques, plusieurs old wavers bien installés franchirent le pas. Par goût de la nouveauté ou simple opportunisme.











Apparemment, beaucoup ont été marqués par Devo et/ou The Police.

Source / pour appronfondir :

18/08/2022

Top Of The Pops

Chanson satirique et unique tube des Rezillos (1978)


Does it matter what is shown
Just as long as everyone knows
What is selling what to buy
The stock market for your hi fi

Une joyeuse farce self-conscient, accrocheuse et sans prétention. Un des manifestes musicaux new wave au côté de Identity de X-Ray Spex sur les contradictions de la marchandisation punk, Radio, Radio d'Elvis Costello sur la banalité anesthésiante du mainstream commercial ou encore Part-Time Punks de Television Personalities sur les poseurs prenant le train en marche.

Et le groupe pop-punk écossais apparut même dans l’émission britannique éponyme. Avec Fay Fife pointant du doigt le public pendant le refrain.

Take the money, leave the box
Everybody's on top of the pops


Source / pour aller plus loin : 

12/08/2022

Hypnagogia

Reformulons la recherche de courants musicaux contemporains présentant une démarche analogue à la new wave. Après être précédemment parti du réalisme social qui animait les observateurs anglais, posons-nous une nouvelle question : où se trouve la forme actuelle du commentaire ironique sur la culture populaire moderne proposés par certains autres groupes ?

D'après Theo Cateforis dans Are We Not New Wave (2011), une des caractéristiques formelles les plus représentatives de la new wave fut sa nervosité, symptomatiquement associée à la société urbaine en expansion. Il est alors possible de spéculer qu'une pop actualisée serait davantage sédatée, témoignant des maux présents que sont l'apathie, l'ennui et la dépression.

Ce sera l'axe choisi pour cette note.
 
 

En 2009, David Keenan nomma « hypnagogic pop » une nouvelle génération de musiciens américains lo-fi utilisant le concept de mémoire et la nostalgie révisionniste comme point de départ. Ce genre protéiforme baptisé également « chillwave » ou « glo-fi » dissimule un peu de tout, de la pop lo-fi brumeuse, irradiée et extatique, aux groupes d'obédience new age et synth-rock cosmique des 70s, en passant par l'exotica tribale et trippée (cf. Retromania).



Un des pionniers de cette tendance postmoderne, Ariel Pink puise ses sources d'inspirations dans la trash culture des décennies passées : pop radio 60s, publicités 80s ou génériques de séries TV 90s. Ces références (plus ou moins) ironiques font écho au retro-kitsch de groupes new wave, comme The B-52's ou les Rezillos, imprégnés d’une véritable nostalgie pour les années 50 et 60 où la marche du progrès (course à l'espace et société de consommation) semblait irrésistible mais a fini ringarde.


Simon Reynolds fit un autre rapprochement dans 'Hypnagogic pop' and the landscape of Southern California (mars 2011), commentant qu'à l'instar de Devo, James Ferraro ne laisse jamais percevoir s'il se moque ou célèbre la décadence et le grotesque de la culture américaine.


Dans 2011: Dispatches from the Pop Museum (décembre 2011), Jonathan Dean pense que ces musiciens auraient choisi de se focaliser sur des genres généralement jugés même impropres à être désignés comme musique (jazz d'ascenseur, jingles de pub, cassettes de relaxation, sonneries ringardes, etc) afin d'innover et défier radicalement les suppositions fondamentales partagées par les érudits de la pop.

Le dévolutionniste Gerald Casale rappelait que la nouveauté de la new wave était surtout une vision réarrangée de l'avenir promis par l'exubérance de l'Amérique d'après-guerre (cf. son avant-propos dans l'Encyclopedia of New Wave, 2012).

Ce qui nous amène aux echo jams et à la vaporwave,  des évolutions de l'hypnagogia vers une muzak hauntologique. Comme l'écrit Reynolds, cela se rapporte à la mémoire culturelle et à l’utopisme enfoui dans les marchandises capitalistes, notamment les appareil informatiques et de divertissement audio/vidéo (cf. Retromania).



C'est-à-dire une vision réarrangée de l'avenir promis par l'exubérance de l'Amérique des années Reagan.

Ceci est une reprise de la note du 15/02/2014

10/08/2022

Beats in America

Note sur un tronçon souvent oublié de la new wave américaine.


Dans sa très colorée Encyclopedia of New Wave (2012), Daniel Bukszpan présente un catalogue international de groupes new wave, postpunk, new pop, synthpop, electropop, etc. dans la pure tradition de la définition large qui va du New Wave Theater à MTV.

Pour les lecteurs de ce côté-ci de l'Atlantique, une des originalités de l'ouvrage est la présence de nombreux groupes à guitares issus du côté « power pop » de la vague et donc pas particulièrement friands de synthétiseurs.










En introduction, Bukszpan disserte sur la perception actuelle de la new wave : la génération qui la découvre aujourd'hui ne l'a pas vu passer de « the strange new thing » à « the next big thing » puis à « the thing nobody wants to remember ». Pour elle, la new wave c'est juste la musique qui ne sonne pas comme le Nirvana de son adolescence.

Et il conclut alors avec pertinence que ne pas sonner comme la même vieillerie constitua une grande part de ce qui avait rendu la new wave populaire à l'origine.

28/07/2022

Femmes de l'après-punk, 2



Ici donc, d'autres exemples en vrac : nervosité, excentricité, étrangeté, politique, distanciation, pose arty, artifice, subversion, métissage, hype et dancefloors.











Note : la photo d'illustration n'est pas un groupe de chez Rough Trade en 1979, mais des étudiantes du Bauhaus accompagnées de Marcel Breuer en 1927

12/06/2022

Zoon politikon

En ce jour d'élections, évoquons la politique de l'après-punk.


Beaucoup d'auditeurs francophones ont embrassé une définition biaisée et cultureuse du post-punk, imaginant les musiciens de cette période dévoués à un apolitisme arty coincés entre les anarcho-gauchistes et les skins neo-nazis de la seconde vague punk.

Voici une sélection de quelques sessions, vaguement classées par positionnement, témoignant du foisonnement politique de cette fin des années 70 :
  • des marxistes, parfois très théoriques

  • des socialistes, solidaires avec les travailleurs 

  • des anti-racistes, face à la montée du BNF

  • des rousseauistes, dans un trip alter-mondialiste

  • des féministes, à la recherche d'égalité dans les relations humaines

  • des anarchistes, avec des aspirations libertariennes

  • et même des fascistes, en plein entrisme.

Ceci est un reposte de la note du 20/06/2021

01/04/2022

No bollocks

Voici la compilation Ce n'est pas de la couille, voici la New Wavesortie chez Ariola en 1977.


Dans les notes de pochette, nous apprenons que « new wave » est un terme apparu en 1977 pour qualifier un courant musical opérant la fusion de diverses tendances du rock, en réaction à l'hypertrophie putrescente des superstars de l'époque.

Regroupant alors :
  • un renouveau du hard, allégé et simplifié

  • un retour de la pop pas débile, au rythme agressif et aux paroles intelligentes



  • un raz-de-marée : le mouvement punk

Dans sa revue de la compile, Pol Dodu (Vivonzeureux!, 2020) résume bien cette définition : là, on considère comme new wave toute la musique apparue à partir de 1976-1977 qui bouscule l'ordre rock établi, tous styles confondus, punk y compris.


L'année précédente, Caroline Coon avait publié, dans le Melody Maker du 27 novembre 1976, un dictionnaire de noms et de termes (Punk Alphabetdans lequel elle distinguait punk et new wave.
Punk = bands who usually play frantically fast, minimal, aggressive rock with the emphasis on brevity, an all-in sound rather than individual solos and an arrogance calculated to shock. 
New wave = an inclusive term used to describe a variety of bands (...) who are definitely not hardcore punk, but because they play with speed and energy or because they try hard, are part of the scene.


Il y a toujours un certain délai de diffusion de l'évolution des concepts issues de la presse britannique.

Pour aller plus loin, voici un aperçu plus détaillé de la new wave en 1977.

26/03/2022

Thésaurus pas très nouveau

Poursuite de la note sur les redéfinitions de « new wave ».


Un nouvel ouvrage est sorti sur ce genre musical qui embrasse tellement de notions disparates : Dictionnaire passionné de la new wave (2022) par Pedro Penas Y Robles.

De son propre aveu, l'auteur a tendance à réduire ce courant musical, non pas à l'étiquette fourre-tout de la fin des années 70 ni à son penchant commercial, emphatique et autosuffisant, mais à une scène musicale spécifique dans laquelle le synthétiseur reste l'instrument principal (et non plus la guitare comme dans le rock) qui donne la texture, le timbre, la tonalité et la couleur musicale, d'une composition qui confine au classicisme.


Et cette new wave, dont on a surtout retenu sa partie la plus électronique et la plus robotique, l'électro pop, ne partage pas le même public que les tubes français variétoches ripolinées avec une légère saveur "new wave" (...) aussi grand public que musicalement inoffensifs.


Les amateurs d'un genre musical cherchent à la fois à rendre leurs pratiques culturelles légitimes, mais également à conserver leur statut d’outsiders (Sophie Turbé, Mesurer les degrés d’engagement dans les mondes musicaux, 2017). Soit ici, pour notre passionné d'électropop, une position contre les rockeurs beaufs à jabots de la rédaction de Rock & Folk (sic) et contre les blaireaux ivres chaque samedi soir dans les papagayo de province (sic).


Evidemment, il n'est toujours pas question de new wave dans le sens employé sur ce blog et dans la bibliographie britannique. Le terme étant ici lié à une certaine vision des eighties, méprisée et décriée par l'intelligentsia rock, mais respectés par des ultra-fans érudits.

Or par définition, ces dit fans remettent difficilement en cause leurs habitudes de nomenclatures et encore moins ce qui a été placé affectivement sur un piédestal. Leurs publications sur un sujet donné sont lourdement biaisées par un manque de recul et de sources externes, et tombent fatalement dans un subjectivisme qui ne peut être que passionné, prêchant pour leur paroisse. Cf. la quasi-totalité du catalogue de chez Camion Blanc.


Notons qu'en octobre prochain, Jean-Daniel Beauvallet sortira un livre nommé New wave : 1978-1983, une révolution.

L'impatience se porte plutôt vers la future étude de Simon Reynolds, espérant enfin avoir des généralisations théoriques et des mises en perspectives dans l'histoire de la pop.


Bonus:

Punk & The New Wave 1976-1978 (1986) par Tony Wilson, Factory Records 
New Wave playlist (2022) par Pedro Peñas Y Robles, Unknown Pleasures Records

Mise à jour le 16/04/2022

02/01/2022

1982, pop !

Il y a quatre décennies, la new pop montait à son zénith. 


Avant que les années suivantes voient la new pop devenir totalement hégémonique, jusqu'à saturation, son entrisme subversif dans le mainstream était la révolution pop la plus radicale depuis celle des années 60.

Le poptimisme alors dominant reléguait les postures rock mais aussi alternatives à l'idée d'échec, à l'incapacité à regarder vers l'avant et de toucher un large public.








Et la nébuleuse synthpop fut évidemment de la party :