17/01/2016

Bowie(s)

Note sur les relations entre David Bowie, perpétuel ré-inventeur de l'univers pop, et les musiques de l'après-punk.


Sa carrière marquée par de nombreux changements popularisa l'exigence d'un constant renouvellement. Ses ambitions trans-musicales et sa curiosité pour les avant-gardes furent d'une influence capitale pour de nombreux courants à la recherche de ruptures avec les académismes du rock.


Le méta-message de David Bowie fut souvent un message d’évasion : de sa classe sociale, de son sexe, de son identité personnelle, de tout engagement trop évident. Quand la crise contemporaine était abordée, elle l’était de façon oblique, à travers la fantasmagorie de la science-fiction ou d’un univers mort peuplé d’humanoïdes, à la fois célébré et abhorré.


Le punk et la new wave incarnèrent les phases les plus récentes de cette dynamique, où l’aliénation assumait des caractéristiques sensibles et tangibles. Le new wave s'intéressa particulièrement à son enthousiasme technophile et au réalisme magique de ses récits en collage.

Au même moment, David Bowie enregistrait à Berlin au côté de Brian Eno une série d'albums où il s'éloigna de ses influences américaines pour se rapprocher des expérimentations européennes : Low, 'Heroes', Lodger, ainsi que The Idiot d'Iggy Pop. La riche palette de textures accordant aux synthétiseurs un rôle important, le son froid et maîtrisé modelé sur les rythmes motorik et les atmosphères instrumentales crépusculaires annoncèrent un art-rock velvetien d'un genre particulier, moderne, urbain et tourné vers l'avenir.

Ce nouvel européanisme de Bowie et Eno fit écho à la position postpunk selon laquelle les américanismes étaient les éléments musicaux contre lesquels il était nécessaire de s'opposer pour renouveler le rock.


Le moment précédent la trilogie berlinoise dans la trajectoire stylistique de David Bowie, sa phase plastic soul / white funk avec Young Americans et Station to Station, influença énormément l'évolution suivante du postpunk qui glissait vers la new pop.


Le passage du postpunk à la new pop, d'un esprit « rock » à un esprit « pop », n'allait pas sans rappeler le glam avec lequel David Bowie et Roxy Music étaient parvenus à combler l'écart entre la pop dansante alimentée par les singles et le rock arty adapté au format album. La synthèse créatrice de Bowie, avec ses constructions d'identité par chapardage d'éléments hétérogènes, pouvait déjà y être qualifiée de « post-moderne » bien avant que le terme ne sorte du cadre de la théorie de l’art. 

Alors que sa garde-robe et ses nombreux personnages orientaient les looks « grandeur et décadence » des New Romantics, quelque part entre aristocrates, androgynes et extraterrestres, David Bowie lui-même réapparut pour revendiquer sa place légitime à la tête de la new pop, adoptant un nouveau personnage aux cheveux blonds, bronzé et en pleine santé pour coller au pop-funk né de sa collaboration avec Nile Rodgers.


Sources : cuts-up de livres et articles de Dick Hebdige, Simon Reynolds et John Harris.